yeux. Était-ce possible ? Était-il bien éveillé ? « Hé, petit !
Est-ce que je dors encore ? » (
Ousta
Ramazan appelait toujours
Pacha et Ahmed ses « petits. »)
Pacha se taisait : l'étreinte de Nissa l'empêchait de rien dire.
Elle s'était pendue à son cou et appuyait sa joue sur les lèvres
de son fils.
Non, depuis quatre ans elle n'avait jamais fait un pareil rêve:
elle n'avait jamais étreint ni embrassé ses fils. Maintenant, elle
sentait sur elle le souffle de Pacha, elle touchait le drap de son
uniforme…
C 'était donc bien lui !
«
Mère ! »
Il avait dit ce nom rempli d'espoir et de clarté… le nom de
celles qui sont prêtes à tous les sacrifices pour leurs enfants,
qui ne voient pas leur propre grandeur, qui ignorent le prix de
leurs angoisses impatientes, et la force salutaire de leur
amour…C’était grâce à elle que Pacha était rentré.
«
Femme, dit Ramazan, cesse donc de pleurer ! Le petit est
revenu, et te voilà encore toute en larmes… »
Mais Nissa sanglotait et ne l’entendait pas.
«
Est-ce que je suis le maître ici, oui on non ? plaisantait
Ramazan, redevenu tout à coup l'homme joyeux et gouailleur
qu'il avait été avant la guerre. Je veux qu'on m'obéisse ! »
Mais Nissa n'écoutait pas les plaisanteries de son mari. Ses
larmes roulaient sur les joues de Pacha et tombaient sur sa
poitrine.
«
Ne pleure pas, maman, ne pleure pas… puisque je suis de
retour ! »
Ses mains palpaient convulsivement les épaules et le torse de
son fils : elle ne pouvait encore en croire ses yeux. Et tout à
coup une impression terrible la frappa comme la foudre. En
180
MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron