ses dents tantôt une extrémité, tantôt l'autre.Mais dans sa hâte
il avait oublié l'isolant.
«
Gricha, cria-t-il, se sentant au bout de son effort. Un
morceau d'isolant… Fais vite ! »
Le derrick frémissait sous les coups du vent. À la moindre
maladresse, Taïr pouvait plonger dans l'abîme. Mais Djamil
tenait bien la corde. Enfin, on apporta l'isolant. Au bout de
quelques minutes, la voix enrouée de Taïr cria :
«
Ouvrez la manette !»
En un instant le puits fut inondé de lumière. L'éclat des
ampoules semblait plus aveuglant ; les ouvriers applaudissaient.
On fit remonter Taïr ; il était trempé jusqu'à la moelle, l'eau
ruisselait de son visage et de ses vêtements.
On jeta sur lui un manteau de grosse toile. Il était épuisé. Il
s'assit sur le pont.
Je l'avais bien dit qu'on ferait quelque chose de ce
garçon-là, disait Ramazan à Vassiliev.
Sa voix tremblait. Il reprit :
Maintenant, les gars, à l'œuvre ! Et le bruit des
mécanismes se mêla aux hurlements lugubres de la tempête.
La table tournait avec rapidité. Le forage continuait au
même rythme.
Ousta
Ramazan surveillait lui-même la vitesse,
les yeux fixés sur l’aiguille du drilomètre. Le trépan traversait
un terrain léger ; Ramazan augmenta la pression, accélérant la
vitesse du forage. Ses nerfs étaient tendus comme les cordes
d'un
saz
.
Le trépan était tout près de la profondeur à
atteindre.De temps à autre, le vieux maître prenait dans le creux
de sa main la boue qui venait du puits, et la flairait. Contenant
à grand-peine l’émotion qui perçait dans sa voix, il répétait :
«
C'est bien, mes enfants, c'est très bien ! »
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CHAPITRE IX