Toukezban avala sa salive avec effort, comme si elle avait
quelque chosedans la gorge.
«
Oui, mon enfant, il avait rêvé des jours radieux et espéré
que son fils vivrait assezlongtemps pour les voir.
Grand'mère, dit tout à coup Chirma. Tu m'as dit un jour
que grand-père étaitmort en Sibérie. »
Toukezban soupira comme si elle regrettait d'avoir raconté
une histoire si triste.
Oui, mon enfant, c'est vrai. Seïran c'est ton grand-père
Salman. Et son fils c'est ton père. Après qu'on eut déporté ton
grand-père, j'ai dû aller faire des lessives chez les autres, et j'ai
élevé ton père tant bien que mal. Quand il a été un peu plus
grand, je l'ai envoyé à l'école. Je ne mangeais pas à ma faim,
j'étais mal vêtue, mais ton père allait à l'école.
Grand'mère, et comment était grand-père ?
Il ressemblait à ton papa. Ton grand-père et ses
camarades étaient les amis du camarade Staline. Staline était
celui qui les conduisait à la lumière, à la justice, à laliberté… »
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CHAPITRE III