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Au début du XVIe siècle, le principal événement du monde musulman est sur le point de se réaliser : le jeune et dynamique Chah Ismail parvient, après
une série de brillantes victoires, à se faire couronner à Tabriz en 1502. Le style de Tabriz, qui s'était développé au siècle précédent, vit alors son apogée, ce
qui peut être observé avec les miniatures rajoutées à celles du Khamsa de Yagub bey.
Incomplètes au moment de la mort de Yagub-bey, elles sont effectivement tombées entre les mains de Chah Ismail, qui a intimé l’ordre de rajouter les 11
miniatures manquantes. Ces dernières ont été réalisées par les peintres de la cour parmi lesquels se trouvait un jeune artiste azerbaïdjanais, Sultan Muhammad.
Au début des années 1520, Chah Ismail a ordonné la création du magnifique manuscrit musulman illustré – « Shah N
ā
meh », destiné à son fils et héritier
nommé Tahmasib.
Ce manuscrit, qui a été nommé par la suite le « Shah Nameh de Tahmasib », illustre la continuité entre les goût du père et du fils. Ainsi, dans ces années
fastes, le style du Sultan Muhammad a pu dominer toute la kitabxana (la bibliothèque) qui était, à la cour de la période pré-séfévide, un véritable atelier. Le
projet le plus grandiose qu’ait jamais géré Sultan Muhammad a été sans aucun doute le travail de création du magnifique « Shah N
ā
meh », auquel ont pris
part la majorité des peintres de la kitabxana pendant de longues années. Les bordures des pages de texte ont été décorées par de nombreux motifs ornemen-
taux, ainsi que par 258 miniatures, qui sont de plus grandes tailles que celles qu’on effectuait habituellement à cette époque.
Au fil de ces années, Sultan Muhammad a continué à travailler à son chef-d’œuvre « Le Royaume de Keyumars », miniature qui deviendra par la suite un
véritable culte pour les peintres.
Dans son épilogue à l’Album de Bahram Mirza, le calligraphe Dust Muhammad, au milieu du XVIe siècle, écrivait que le Sultan Muhamad était le « zénith »
de son siècle. Chef de la kitabxana de Tabriz, il qualifiait la représentation de la « Scène avec humains portant la peau de léopard » de chef-d'oeuvre devant
lequel « les peintres les plus brillants ne pouvaient que courber l’échine ».
D’autres chefs-d’œuvre du même peintre tels que « L’exécution de Zohhak » et « La fête de Sadé » sont bien connus du public. Cependant, la scène
«
meyhané » du Divan et « le Mejlis » de Sam Mirza qui datent des années 1530 n'ont jamais pu être égalées par les émotions qu’elles suscitent.
Ses miniatures de Khamsa (1539-1543) – inspirées des poèmes de Nizami et exposées à la bibliothèque britannique de Londres – se différencient
principalement de celles qui se trouvent dans le « Shah N
ā
meh de Tahmasib » par leur intégrité et leur harmonie. Celles-ci sont moins complètes et moins
nombreuses que celles des années 1520 à 1530, période glorieuse du travail sur le « Shah Nameh » de l'atelier de la bibliothèque.
Il est par ailleurs important de préciser que les plus grands maîtres ont pris effectivement part à l’élaboration de ces illustrations. Certaines d’entre elles sont
signées Sultan Muhammad, Mirza Ali, Seyid Ali, Aga Mirak ou encore Muzaffar Ali.
«
L'ascension du prophète Muhammed » du miniaturiste Sultan Muhammad est marquée par la recherche de coloris visant à émouvoir le spectateur. Le
choix, l’harmonie et la composition des couleurs contrastées sont très riches.
La miniature « Khosrov guette Chirin qui se baigne » est une oeuvre du même auteur, qui porte à l'extrême le raffinement des couleurs et a été qualifiée
de « vrai miracle d 'élégance ». Les historiens font souvent référence à son nom, et le considère comme un génie très instruit qui a permis l'avènement de
l'Ecole azerbaïdjanaise de miniature de Tabriz.
Outre les oeuvres de cet artiste, la miniature de Mir Saïd intitulée « Majnun amené par une mendiante vers la tente de Chirin » se distingue par son
originalité. Très complète, elle est séparée en deux diagonales et quatre parties. Elle rappelle davantage une scène de village que l'illustration d'un texte. Les
personnages principaux n'occupent qu'une place restreinte : les petits-enfants du village qui jettent des pierres à la mendiante et le chien qui aboie rappellent
le thème, tandis que le véritable sujet réside dans le grand panorama de la vie de la population nomade.
En 1548, la capitale de l’État azerbaïdjanais des Séfévides est transférée à Qazwin, la cour y emménage et les peintres la suivent. A cette époque, le peintre
Muhammadi est sans doute l'un des plus célèbres de l'Ecole de Tabriz et de Qazwin. L’historien Isgandar Munchi, qui cite Muhammadi parmi les meilleurs
peintres du moment a également été le biographe de Mir Zeynalabdine, (le petit-fils de Sultan Mohammad), de Sadig bey, de Siyavuch bey et de beaucoup
d’autres.
Un des grands maîtres de l’époque était Sadig bey Avchar. Au moment de l’arrivée au pouvoir de Chah Abbas en 1587, Sadig Bey fut nommé chef de la
kitabxana. Il y travailla jusqu'à sa mort, en 1610. Il illustra le manuscrit « Anvar-i-Suheyli » qui date de 1593. Ce dernier est essentiellement connu pour
ses aspects innovateurs ainsi que pour le nombre de ses illustrations. Sadig bey choisit comme sujet « le vol de la tortue » et représenta un groupe de
paysans, à savoir des hommes, des femmes et des enfants qui expriment leur étonnement.
Dès la fin des années 1540, Chah Tahmasib cessa de protéger l'art et Machhad devint ainsi le centre de la peinture dans la deuxième partie du XVIIe siècle. Ibrahim