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songea-t-il devant toutes ces voitures qui différaient par la
forme et par la couleur.
Ils montèrent sur le trottoir pour gagner l’arrêt du tram. Une
épingle n’aurait pu trouver le sol : sur la surface lisse de l'as-
phalte, les voitures constituaient un flot ininterrompu et les pié-
tons en files serrées occupaient toute la largeur du trottoir.
Accrochant au passage ceux qui venaient en sens inverse,
Djamil et Taïr arrivèrent enfin à l’arrêt.
Un tram lumineux apparut autournant. Les wagons glis-
saient sur les rails disposés en demi-cercle devant la grille du
square; le wattman sonnait sans discontinuer pour prévenir les
passants qui traversaient nonchalamment la voie.
Taïr entra à la suite de Djamil. D'un mouvement d'épaule, il
fit glisser sa besace, qu'il déposa dans le coin de la plate-forme
arrière à côté de la valise de Djamil.
Le tram filait à présent le long d’une longue rue, large et
droite comme une flèche et bordées par deux rangées de
maisons à plusieurs étages, pavoisées de drapeaux rouges.
Les portraits des héros de la Guerre Nationale se détachaient
sur les façades en taches éclatantes. Et Taïr regardait surgir au
loin, l'une après l'autre, des grappes de lampadaires où dan-
saient les couleurs de l’arc-en-ciel. C'était la rue du Vingt-Huit-
Avril, ainsi nommée en commémoration du jour où le pouvoir
des Soviets fut établi en Azerbaïdjan. À cette heure, elle était
bruyante et animée. Le regard de Taïr glissait sur les hautes
maisonset s’arrêtait parfoissur les portraits des héros de la
guerre, comme s'il avait voulu imprimer dans son souvenir les
traits de tous ces hommes qui s'étaient illustrés dans les
batailles.
Au coin d’une rue sur sa droite se dressait un bel édifice dans
MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron