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«
Qu'est-ce que c'est ?»
Djamil, lui aussi, était émerveillé: c'était la première fois
qu'il voyait si bien les salves. De la gare, on découvrait un ciel
immense où se déployait librement la splendeur des feux mul-
ticolores.
Un porteur chargé d'un gros ballot qui s’était heurté à Djamil
par mégarde lui fit part de sa joie avec exubérance :
«
Maintenant, c'est le Japon qu'est fichu!»
À Djamil aussi, qui pourtant connaissait bien Bakou, tout
semblait extraordinaire ce soir-là,et la ville en fête, et les vis-
ages exaltés. Les hommes communiaient dans l’allégresse,
brûlant de se dire l’un à l’autre ces mots directs qui jaillissent
du cœur : ils étaient tous les artisans de la grande joie qui les
soulevait.
Taïr ne se lassait pas d'admirer ce feu d'artifice. Jamais il
n'avait connu cette impression de puissance et de grandeur en
voyant les salves dans les journaux ou au cinéma. Comme tous
les récits que Djamil lui avait faits de Bakou étaient pâles en
comparaison du spectacle qui s'offrait à sa vue! Il se mit à rire.
Il avait peine à dissimuler son bonheur.
«
Que Bakou est beau!Ma foi, je suis un homme heureux. »
Djamil l'entraîna
«
Viens !D'ici on ne voit pas grand'chose. Sortons de la gare,
tu verras la ville. »Taïr se hâta de descendre les escaliers à la
suite de son ami.
Sur la large place asphaltée, un grand nombred'autosétaient
rangées en demi-cercle le long de la grille du square. Elles bril-
laient de reflets aveuglants, dans les clairs rayons des feux qui
illuminaient la façade de la gare. Involontairement, Taïr s'ar-
rêta «Chaque habitant de Bakou doit avoir la sienne»,
CHAPITRE I