«
Tout ce qui est arrivé c'est à cause de toi, et rien qu'à cause
de toi ! » cria Taïr.
Djamil répondit tout de suite, brutal :
«
Si tu ne te plais pas ici, rentre cheztoi. Personne ne t'oblige
à rester.
Personne n'a le droit de m'obliger à rester ici, répliqua
Taïr blessé et résolu de tout dire. Je trouverai du travail partout.
Ce n'est plus comme avant, on ne doit faire des courbettes à
personne ! Mais j'ai donné ma parole à
ousta
Ramazan de ne
pas abandonner le champ de bataille, et quoi qu'il arrive, je
resterai ici. Ce n'est pas de cela que je parle.
Maisalors, de quoi parles-tu ?
Je te demande si c'est le fait d'un
Komsomol
de trahir son
ami ? »
Djamil, qui devinait enfin où l'autre voulait en venir,
s'efforça de faire dévier l'entretien.
Non, bien sûr. S'il abandonne son ami dans un moment
difficile, il doit être blâmé. Au front, par exemple… »
Mais Taïr l'interrompit :
«
Ne me réponds pas à côté, dit-il d'un ton bref. Je ne te parle
pas du front. Le front a ses lois, je le sais tout aussi bien que toi.
Mais voilà, suppose que j'ai vu un coquelicot dans un champ
avant mon camarade, et qu'au moment où je veux le cueillir, ce
camarade me fait un croc-en-jambe. N'appelle-ras-tu pas cela
une trahison? »
Pour ne pas laisser deviner son secret, Djamil baissa les yeux:
«
Et si tu te trompais, si ton camarade avait vu le coquelicot
avant toi… alors ?Mais ce n'est pas d'un coquelicot que tu
parles ?
Non, bien sûr, je n'ai fait que prendre un exemple. Quand
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CHAPITRE IV