«
Après tout, moque-toi de moi tant que tu voudras !
Mais voyons, Taïr, je t'ai dit la première chose qui m'est
passée par la tête. Tu es méchant comme un chameau ! Est-ce
qu'on n'a plus le droit de plaisanter avec un camarade ?
Il y a des plaisanteries déplacées. »
Ils gardèrent un moment le silence. Ils comprenaient tous
deux que cette conversation n'aboutirait à rien ; mieux valait
l'interrompre.
Taïr prit un livre sur l'appui de la fenêtre et tout en le
feuilletant, s'assit devant sa petite table. Après avoir parcouru
quelques lignes et s'être convaincu qu'il ne pouvait se
concentrer, il jeta le livre sur son lit. Juste à ce moment,
Samandar entra. Voyant Djamil renfrogné qui tournait le dos à
Taïr, il regarda les deux amis l'un après l'autre à travers ses «
fentes » et demanda :
«
Qu'est-ce qu'il vous arrive? Pourquoi cet air d'enterre-
ment?»
Djamil se força à sourire : il ne voulait pas que Samandar ap-
prît leurdispute.
«
C'est tout simplement que l'humeur n'y est pas…
En rentrant, j'ai rencontré Latifa, dit le gros garçon
débonnaire qui voulait faire plaisir à Djamil. Elle était très
joliment habillée et marchait avec une autre jeune fille fort
belle. Elles riaient tout le temps.
Où les as-tu vues ? Il y a longtemps ? demanda Taïr,
oubliant tout.
Il y a un instant. Elles ont dû aller au théâtre acheter des
billets, fit Samandar content d'avoir au moins réussi à en dérider
un.
Au théâtre, tu es bien sûr ? insista Taïr.
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron