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Lalé et Minaev, ingénieur en chef du trust, sortirent de l'auto
et se dirigèrent vers le nouveau puits, situé à 500 mètres de la
rive sur une colline pierreuse, Ils s'arrêtèrent un instant et
jetèrent un regard autour d'eux. C'était une nuit d'automne
étoilée ; la fine faucille de la lune était suspendue dans le ciel.
Le monument de Kirov se dressait non loin d'eux. Un orchestre
leur envoyait les accents d'une marche militaire. En bas
s'étendait la ville immense, demi-cercle de feux scintillants.
La nuit était calme. Bakou était enveloppé d'une vapeur
légère où semblaient voguerles rues lumineuses.
Ils voyaient surtout bien Baïlov, à droite. À la lumière des
ampoules parsemant les rues, ils regardaient glisser dans un
sens et dans l’autre les wagons du tram et les voitures rapides,
que la distance rendait pareils à des jouets. Là où finissaient les
rues parallèles, le cap Baïlov s'enfonçait dans la mer ; tout
autour, les feux multicolores des balises indiquaient la passe.
Plus à droite, un derrick se dressait, solitaire, dans le cerne de
lumière blanche que faisait la lune sur l'eau tranquille.
Travaillait-on là-bas ? Il eût été difficile de le dire. Le derrick
lointain rappelait une de ces maquettes que l'on peut voir sur la
table du présidium aux assemblées solennelles des travailleurs
du pétrole.
«
Vous voyez le puits de Ramazan ? » demanda Lalé en
étendant la main.
Minaev porta son regard dans le cerne pâle, sur l'eau.
«
Oui, dit-il. Mais d'ici, il semble encore plus beau qu'utile,
vous ne trouvez pas ? »
Après un instant de silence, il reprit :
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CHAPITRE V