«
Un charme puissant se dégage de ce Bakou nocturne.
Pourquoi les poètes qui sont venus chez nous n'ont-ils remar-
qué que le mazout et les sables ? Regardez : quelle nuit ! Je n'ai
rien vu de pareil nulle part. Je me demande si je pourrai jamais
quitter Bakou pour aller ailleurs.
Il vous arrive d'en avoir envie ? demanda Lalé dont le re-
gard glissa vers lui par-dessus son épaule.
Non, non ! J'ai dit cela comme j'aurais dit autre chose. Je
suis né ici et c'est ici que je mourrai. Vous savez, Lalé-
khanoum, tout dernièrement j'ai passé trois jours à Tbilissi. Il
n'y a pas à dire, la ville est très belle, mais moi je n'avais qu'un
désir, c'était de rentrer au plus vite. Je me disais : « Si je dois
rester loin de Bakou toute une semaine, je sécherai d'ennui!»
Prenez garde, fit Lalé en riant, que votre amour de Bakou
ne vous rende aveugle. Moi non plus, je n'échangerais Bakou
contre aucune autre ville, mais pourquoi fermer les yeux sur la
beauté d'autres sites, qui nous appartiennent également ?
Touten gravissant la pente,elle reprit :
Je n'ai pas encore vu Koudrat aujourd'hui. Savez-vous où
ils en sont dans la réalisation du plan ?
Ils sont arrivés à 85%. Vous voyez, ils montent.
Comment il s'y prend, je me le demande. C'est un secret que je
n'arrive pas à percer.
Un secret ?
C'est qu'ils ont beaucoup d'ouvriers sans expérience et
qu'il faut savoir s'y prendre avec eux pour redresser le trust le
plus retardataire…
N'oubliez pas qu'ils ont des maîtres comme
ousta
Ramazan !
Ils arrivaient. Lalé salua les ouvriers. Le travail battait son
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron