«
Il est sûrement là-bas, reprit Djamil. Mais est-ce la saison
pour chasser les canards et les oies ? Il est parti à pied ou à
cheval ?
À cheval, mon fils. Et il a pris une longue corde. Je ne
sais pas pourquoi. J'ai eu beau le lui demander, il ne me l'a pas
dit… Tu le connais, il est têtu. Mais entre donc, mon fils, viens
t'asseoir. Pourquoi rester debout? Où qu'il soit allé, il reviendra
bientôt. »
«
Quel besoin avait-il d'une corde ? » songeait Djamil en
regardant la plaine d'un œil distrait. Il demanda tout haut :
«
Ne serait-il pas allé chasser l'antilope ? »
Un cavalier sortait de la gorge. Djamil porta la main à son
front ;protégés par cette visière, ses petits yeux plissés
scrutaient la route, au loin.
«
Je crois que c'est Taïr. Et il tient quelque chose sur ses
genoux. »
Une ombre passa sur le visage hâlé de Gulsenem.
«
Avec lui, on peut s'attendre à tout.
Il est encore un peu tôt pour chasser l'antilope », fit
Djamil sceptique.
Le cavalier s'était rapproché. Plus d'erreur possible: il
portait une bête en traversde saselle.
«
C'est bien une antilope, tante »,reprit Djamil tout pensif.
La jument de couleur baie gravissait légèrement la montée,
au petit trot. Des chiens hargneux, qui se trouvaient sous les
portes cochères, jaillirent et se mirent à la poursuite du cavalier,
aboyant férocement. Ce dernierfit passer l'antilope par-dessus
son épaule d'un geste rapide, se mit debout sur sa selle, et dressé
de toute sa taille lança la jument au grand trot.
«
Regarde ce qu'il fait, ce vaurien ! » dit Gulsenem
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron