Tout d'abord Djamil avait cru que Samandar répétait des
phrases toutes faites puisées dans ses lectures, mais il avait dû
reconnaître que ses jugements étaient bien à lui, qu'il les avait
pensés avant de les dire, et savait les défendre.Parfois, il
voyait Samandar relever dans un ouvrage des idées qui avaient
échappé aux autres, preuve qu'il réfléchissait.
«
Ici, tu as raison, c'est juste, disait Djamil, rendant à son
ami ce qui lui était dû.
Bonjour, dit Koudrat à Samandar.
Samandar ne connaissait pas Ismaïlzadé, mais Badirli qui le
suivait lui marquait tant de déférence, que d'un bond il fut sur
ses jambes.
«
Entrez, je vous en prie » répondit-il.
Ismaïlzadé relevait les couvertures, regardait les draps.
«
Les lits sont propres » dit-il.
Voyant les livres épars sur l'appui de la fenêtre, il se tourna
de nouveau vers Badirli:
«
Chez vous, est-ce que les livres traînent sur la fenêtre ?
Mais vous n'avez peut-être pas de livres après tout ? »
Badirli avait ce sourire obséquieux qui avait toujours le don
de mettre Koudrat hors de lui :
«
Mais si, mais si, camarade Ismaïlzadé, pourquoi n'en
aurais-je pas?
Vous achèterez des étagères, une pour chaque chambre.
Est-ce compris, ou voulez-vous que je répète ?
C'est compris. »
Koudrat s'était arrêté devant Samandar :
«
À quel chantier travaillez-vous, mon gros ?
Auchantier de Lalé-khanoum.
Et qui encore habite ici ?
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CHAPITRE V