Koudrat fixa Badirli avec attention pour voir l'effet de ses
paroles.
«
N'ai-je pas raison ?
Si !
Tenez, à notre conférence, l'autre jour, l'ingénieur Fikret
a pris la parole. Son raisonnement ne m'a pas plu, je l'ai même
trouve nuisible. Mais ce qui m'a plu, c'est qu'il a parlé franche-
ment. S'il avait craint d'élever des objections, je n'aurais pas su
ce qu'il pensait, ni comment le convaincre. Vous aussi, vous
devez être plus droit. J'espère qu'à présent vous avez compris ce
que j'attends de vous. »
Koudrat jeta un coup d'œil sur sa montre et continua :
«
L'ingénieur en chef est au puits. J'espère que bientôt tout
ira bien et qu'il reviendra sans tarder.
Il se dirigea vers la porte. Avant de sortir, il se retourna et
demanda à Badirli :
«
Vous rentrez chez vous ? Je vous emmène.
Non, je suis de service », répondit Badirli, qui sortit à la
suite du directeur.
Quand Koudrat atteignit le centre de la ville, les rues
n'étaient pas encore désertes. Les phares des autos qui filaient
des deux côtés des rues jetaient leur lumière sur les fenêtres des
maisons, l'asphalte lisse, et les passants qui rentraient du théâtre
ou du cinéma.
Les trams lumineux aux feux multicolores lançaient coup
sur coup l'avertissement de leurs sonneries. Après quatre
années de couvre-feu, la ville était pleine de scintillements. De
longues bandes de lumière jaillissaient des fenêtres tout
récemment encore occultées à l'aide de papier bleu.
Koudrat, qui croyait la maison endormie, fit tourner sa clé
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron