Mais si, viens, on en a pour un certain temps.Il faut trou-
ver un électricien, l'amener ici… ce sera long ! »
La mer calme, dans le crépuscule, passait graduellement du
bleu tendre aux nuances plus foncées. Taïr, debout près du
taquet, fixait au loin son regard pensif. Un bateau, apparu à
l'horizon, grandissait peu à peu. Après avoir dépassé l'île
Narguen, il se dirigea vers le port. Taïr le suivait des yeux, mais
ses pensées étaient ailleurs. «Désormais, se dit-il enfin, le
travail passera avant tout. »
«
Alors, tu ne veux pas chanter ? »
Taïr fronça le sourcil et dit doucement, mais de façon caté-
gorique :
«
Laisse-moi, Djamil. »
Djamil alla retrouver ses camarades, et Taïr retourna à ses
réflexions: « L’
ousta
a vanté tout le monde au correspondant,
mais quand il est arrivé à moi…» Une autre idée germa tout à
coup dans son cerveau : « Nous attendons l'électricien. Tout le
travail est arrêté – pourquoi ? Il y aurait pourtant moyen de se
passer de lui !» Mais aussitôt il se moqua de lui-même : « Ah
oui, tu t'es couvert de honte et tu veux en remontrer au vieux
Ramazan ! Demain, à la réunion du
Komsomol
,
tu seras sur la
sellette, tu ferais bien d'y songer !»
Le bateau se rapprochait. Et Taïr, en le regardant, se souvint
d'un article qu'il avait lu dans le journal ce matin-là :
«
Comment les marins travaillent. » Il songea: « Ils augmentent
l'intensité du trafic, le nombre des voyages… Oui, tout dépend
du savoir-faire, du désir qu'on a de travailler. »
Il en oubliait sa faute. Il se disait : « Il faut que je parle à
Ramazan. Si cela lui plaît, tant mieux, sinon, le malheur n'est
pas grand. En tout cas, ce serait plutôt utile que nuisible… »
Taïr s'approcha de Vassiliev et de Ramazan qui n'eurent pas
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CHAPITRE V