frémissantes. Ses yeux exprimaient la tristesse et l'effroi. Taïr
eut pitié d'elle.
«
Soit, dit-il, ce sera comme vous voudrez, je lui rendrai la
liberté. »
Il referma son couteau, qu'il glissa dans sa poche. Puis,
s'approchant de la table, il prit place à côté de son ami.
«
Et maintenant, parle-moi de Bakou. Tu sais, Djamil, pour
être franc, j'ai furieusement envie d'aller là-bas. J'ai lu
beaucoup de choses au sujet des forages sous-marins. Tu y
travailles, toi ? Alors, dis-moi, ça te plaît ? Et crois-tu que je
pourrais, moi aussi…
Au début, ça ne m'emballait pas trop, et maintenant je ne
conçois pas qu'on puisse s'arracher à Bakou ! Le forage en mer,
c'est tout un monde, un monde à part !
Et on me prendrait ? demanda Taïr, levant sur son ami un
regard où se lisaient son impatience et sa crainte de ne pas être
accepté.
Et pourquoi pas ? Ceux qui aiment travailler au puits sont
toujours lesbienvenus.
Alors, c'est dit : je pars, Djamil ! »
À l’autre bout de la terrasse, Gulsenem allumait le feu pour
préparer à dîner. Elle se retourna et jeta sur son fils un regard
mécontent que lui et Djamil surprirent. Tous deux songèrent,
chacun à part soi, qu’elle ne consentirait jamais.
«
Qu'est-ce qui vous fâche comme ça, tante ? demanda
Djamil.
Ici aussi les bras manquent ! Si Bakou donne le pétrole,
c'est nous qui donnons au pays la viande, le lait, le beurre… »
Taïr abattit ses mains sur ses genoux.
«
Écoute, maman ! De la viande et du lait, il y en aura sans
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron