pilote : “Et à Bakou, comment ça va ?” Et il répondait : “ C'est
de l’essence de Bakou que j'ai dans mon bac.” »
Les yeux du vieillard brillaient de plaisir. Elle venait
peut-être des puits que j'avais forés ? songea-t-il.
«
Et moi, je lui disais que c'était mon père qui envoyait de
l’essence aux aviateurs.
Tu disais cela ?
Mais bien sûr !
Et tu avais raison ! Chaque année, j'ai foré cinq nouveaux
puits. Malheureusement, on était souvent obligé d'arrêter le
travail.
Et pourquoi ?
On manquait de tuyauteries, d'élévateurs ; les vieux
s'étaient usés. Cependant nous donnions au front tout ce qu'il
fallait. Maintenant, le matériel arrive… Mais dis-moi, ne
sais-tu rien d'Ahmed ?
Les premiers temps, je recevais des lettres…
Et nous aussi, mais après, il a cessé d'écrire… »
Pacha ne pouvait cacher plus longtemps la mort de son frère.
«
J'ai appris qu'Ahmed était mort héroïquement, au cours
d'une reconnaissance. Il avait été cerné, et avec sa dernière
grenade il s'est tué en tuant des Allemands… » Le vieillard était
devenu blanc comme un linge.
Alors seulement Pacha comprit son erreur : il aurait dû
attendre, préparer ses vieux parents.
Ne dis encore rien à maman, père…
Ramazan baissa la tête et se tut, toussotant comme s'il avait
quelque chose dans la gorge qui ne voulait pas passer.
Nissa servit le déjeuner. Elle remarqua le silence étrange de
son mari et de son fils, s'efforça en vain d'en deviner la cause
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CHAPITRE VII