Les larmes de Ramazan semblaient avoir rendu moins aiguë
la douleur qui l'écrasait ; il sortit de la pièce à pas lents.
Naïlia leva les yeux sur son mari. Leurs regards se
rencontrèrent, mais ils ne trouvèrent pas la force de faire ne
fût-ce qu'un pas l'un vers l’autre.
Tandis qu'avec sa timidité habituelle, Naïlia attendait que
son mari s'avançât le premier, la douleur de Pacha grandissait,
pesait sur lui comme une montagne. Ses pieds étaient rivés au
plancher. Il se demandait ce qu'elle allait dire…
Dans la pièce, le silence était total, angoissant. Combien de
temps allait-il se prolonger ainsi ?
Au front, Pacha s'était habitué à tout supporter. Mais après
quatre années de séparation, Naïlia ne put se contenir
devantage:
«
Pacha, je t'attendais chez nous, à la maison…
J'ai toujours espéré qu'il en était ainsi…
On ne le dirait pas !
Tu te trompes… Il baissa la tête. Sans cet espoir je ne
serais jamais revenu… »
Déjà les bras de Naïlia étaient autour de son cou. Et ni l'un
ni l’autre ne prononcèrent plus une parole…
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Koudrat Ismaïlzadé avait ouvert une cantine pour les jeunes
ouvriers ; cela leur épargnait tous les jours un trajet de trois
kilomètres en tram. Il l’avait installée au rez-de-chaussée dans la
maison où ils logeaient. Une fois par semaine, on y faisait des
causeries politiques, suivies d'un concert par des artistes amateurs.
Un jour Dadachly amena un conférencier que les jeunes gens
n'avaient encore jamais vu. Taïr et ses amis étaient assis au
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CHAPITRE VII