Ils prirent les serviettes blanches à raies jaunes qui pendaient
à leur chevet, et sortirent.Derrière les vitres verdâtres de la
fenêtre, le soleil fulgurant sortait de la mer tel un disque rouge
à peine tiré du moule.
Djamil avait depuis longtemps pris l’habitude de se lever
avec le soleil. Il s'éveilla dès que les clairs rayons du matin se
furent posés sur son visage. Il ouvrit les yeux et fut sur le point
de sauter à bas du lit et de s'habiller quand il se rappela que
c'était dimanche. Il prit sur la fenêtre la pile des journaux qui
s'étaient amassés pendant ses quinze jours de vacances, et se
mit à les parcourir.
Par habitude, il chercha tout d'abord les articles et les
entrefilets relatifs au trust où il travaillait depuis le premier jour
de son arrivée à Bakou. En les lisant, il fronçait toujours les
sourcils : les retards du forage en mer le piquaient au vif. Il en
souffrait comme d'un malheur personnel. Samandar expliquait
ce retard à sa manière. Chaque fois queDjamil lui reprochait
son ignorance au cours de leurs discussions cordiales, Saman-
dar grognait contre les foreurs qui perdaient trop de temps en
lectures. Et il lui arrivait de se fâcher pour de bon et de préten-
dre que c'était à cause de cela, oui parfaitement, à cause de cela
que les foreurs restaient en queue!
Pourtant ces discussions ne les empêchaient pas d'être amis.
Même quand elles avaient été vives, avant de s'endormir c’était
soitDjamil qui chassait toute rancœurau moyen d’une bonne
parole et d’un sourire, soit Samandar qui venait poser sa courte
main potelée sur l’épaule de son camarade, en signe de paix.
Samandar était à la fois plus simple et plus débonnaire que
Djamil : il ne pouvait rien cacher à son camarade ; mais Djamil
avait un secret qu'il ne disait à personne. Ce secret jalousement
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CHAPITRE I