Quand ils quittèrent le bureau du secrétaire du Comité de
ville, Mirzoev s'épongea le front. Le directeur marchait devant
lui, tête basse. Koudrat les suivait. Mirzoev se retourna :
«
Je ne savais pas que tu pouvais. »
Mais le directeur l’interrompit en disant :
«
Il faut reconnaître qu'Aslanov a raison. Nous sommes
coupables, incontestablement... Ce que nous cherchions en
plein jour avec une lanterne était là, venait s'offrir à nous, et
nous n'avons pas su le voir. »
Koudrat se taisait. Ses pensées étaient ailleurs. Il faut
vérifier les résultats de l’émulation, se disait-il. Si le rythme de
nos travaux n'est pas plus rapide gare à moi, ce sera bientôt mon
tour, et je l'aurai mérité... Allons voir. Le vent se levait.
Koudrat savait par expérience ce qui peut arriver pendant
les tempêtes en mer. Il irait immédiatement au trust et il y
passerait la nuit.
Il prit brièvement congé de ses compagnons :
«
Au revoir ! »
4
Les feuilles avaient jauni depuis longtemps dans le jardin du
bourg. Les rafales de plus en plus violentes arrachaient ces
feuilles mortes qui s'élevaient comme des essaims de grands
papillons, pour retomber bientôt et joncher la terre. Leur
bruissement couvrait les voix assourdies d'un jeune couple.
Pourquoi étaient-ils venus dans ce jardin par ce vilain
temps? N'avaient-ils pu trouver, pour s'entretenir, un autre
moment ou un autre lieu ?
Il l’avait prise par le bras, et marchait lentement, mais
parlait très vite, sans reprendre haleine, comme s'il craignait de
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron