perdre l’occasion qui s'offrait de lui dire enfin tout ce qui,
depuis si longtemps, remplissait son cœur.
«
Avant aussi, tu m'aimais ? Mais pourquoi me le cachais-tu
?
Pourquoi crois-tu que le jeune homme doit sans cesse recom-
mencer ses avances, prier encore et encore… Tu dis que je ne
t'ai pas regardée, quand je chantais ? Et c'est vrai ! Crois-tu que
je n'ai pas d'amour-propre ? »
Ami lecteur, je n'ai pas l’intention de vous faire assister, au
bout de quelques pages, à la noce de mes jeunes héros.
Eux-mêmes n'y songeaient pas. Leurs rêves, plus vastes,
allaient plus loin dans l’avenir...
«
Latifa, disait le jeune homme, dans un an, à la même
époque, je creuserai un nouveau puits, un puits de 5 000 mètres.
Ce sera le plus profond de l’Apchéron. Il viendra à mon puits
tant de correspondants et de photographes qu'il n'y aura pas
assez de place pour eux tous.
—
Ne va pas si vite, Taïr, répliquait la jeune fille. Il est
encore bien tôt pour toi d'y songer : tu ne fais qu'entrer dans la
vie. Tu viens juste de terminer tes examens. T'a-t-on fait passer
à la catégorie supérieure ? »
Les feuilles sèches s'étaient remises à murmurer. Ils se turent
et jetèrent un regard autour d'eux : il leur avait semblé que
d'autres voix chuchotaient dans le jardin. Mais ils ne virent que
les racines noueuses et les gros troncs des arbres à demi
dépouillés.
«
Ne va pas trop vite, répéta-t-elle, tu commences seulement
à posséder ton métier. Mon père a travaillé vingt ans avant de
devenir maître foreur. »
Il fut sur le point de lui dire : « C'est que ton père ne savait
ni lire ni écrire », mais craignant de la blesser, il répliqua :
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CHAPITRE VIII