«
Un an, c'est toute une vie. Dans un an je saurai bien des
choses. Alors, j'irai chercher maman.
Elle est gentille, ta mère ? demanda-t-elle, et il lut dans
ses yeux le désir impatient de la voir au plus vite. »
Il ne répondit pas à sa question, car il venait d'interroger sa
montre.
«
Oh, je vais être en retard ! dit-il en pressant le pas.
Où vas-tu ?
Au cercle des électriciens. Les cours commencent à sept
heures. Il avait gardé sa main entre les siennes.
Te souviens-tu du jour où tu m'as dit qu'il faut trois choses
à un ouvrier du pétrole, et qu'elles me manquaient toutes ?
Oui, je me rappelle : l’audace, l’attention, la volonté…
Tu en avais oublié une quatrième.
Laquelle ?
Le savoir. Sans lui, l’audace ne sert à rien.
Le savoir, c'est vrai, mais ça, c'est pour tout le monde.
Mais surtout pour l'ouvrier du pétrole, tu n'es pas d'accord?
Il garda un instant le silence et reprit :
Dans deux heures, je serai libre ; si tu veux, nous irons au
cinéma. »
Ils se dirent adieu au pied de l’escalier de pierre, et tout en
s'éloignant ils se retournèrent plusieurs fois.
Quand Taïr arriva aux cours, tous les élèves étaient déjà là ;
on n'attendait plus que le maître.
D'ordinaire, les cours duraient une heure, mais les questions
que Taïr ne manquait jamais de poser ensuite prenaient le même
temps. L'électricien qui dirigeait le cercle craignait ces
questions plus que tout : depuis longtemps il ne lisait plus aucun
livre traitant de sa spécialité, alors que Taïr avait chez lui toute
une bibliothèque de manuels d'électricité. Il restait penché sur
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron