venant dans la pièce en faisant sonner sur le plancher ses
grosses chaussures à clous.
«
Eh-la, plus doucement, n'oublie pas les autres ! » disait
Bilandar.
Mais Samandar ne l'entendait plus: il riait d'un gros rire
joyeux, en mastiquanttoujours.
Le bruit réveilla Taïr. Encore plongé dans la torpeur qui suit
le sommeil, il regardait le gros personnage sans comprendre où
il était. Il finit par s’en rappeler et sourit en découvrant de
petites dents serrées, étonnamment blanches.
«
Pardonne-moide t'avoir réveillé si tôt, mon vieux » fit
Samandar. On eût dit qu'il avalait les mots avec la nourriture,
maisil avait, en regardant Taïr, sa bonhomie habituelle
«
Tu sais, Bakou est épatant ; il n'y a qu'une chose qui me
manque :c'est le bon
bozbach
1
que faisait ma grand'mère… »
Taïr considérait Samandar avec sympathie. Il lui semblait
que ce type débonnaire ne pouvait que vouloir du bien aux
autres, qu'il était incapable de méchanceté et qu'on pouvait
compter sur lui aux moments difficiles.
«
Quoi de neuf ? répéta Djamil, s'adressant à Samandar. Tu
as vu
ousta
Ramazan hier ? Je crois qu'on ne tape plus sur nous
dans les journaux ? »
Samandar, qui respirait lourdement, comme accablé par la
chaleur, lui répondit :
«
On a dépêché un nouveau directeur auprès du trust. Je
crois qu'il s'appelle Ismaïlzadé. Il doit avoir pris le taureau par
les corne, on dit grand bien de lui. Hier soir
ousta
Ramazan est
venu ici et a demandé à te voir. Je lui ai répondu que tu devais
arriver d'un jour à l'autre. C'est un bien brave type. »
19
CHAPITRE I
1
N.d.t. : Plat de viande grasse.