faire part de ses impressions à Vassiliev. Mais il ne vit pas la
moindre anxiété sur son visage, et il se tut. Ce fut Vassiliev qui
lui dit en voyant dans ses yeux un trouble qu'il ne parvenait pas
à cacher:
«
L'hiver est arrivé…
Taïr ne comprit pas.
L'hiver est encore loin,
ousta
,
fit-il.
Oui, d'après le calendrier ; mais il est déjà dans l'air, dit
Vassiliev en se levant. »
Une violente rafale se rua en hurlant sur le derrick qui
trembla du sommet à la base. Mais Vassiliev restait
parfaitement calme.
«
À Bakou, l’hiver arrive avec le vent du nord, expliqua-t-il. »
Puis, comme
ousta
Ramazan n'était pas encore au puits, il
tira son chapeau sur ses yeux, alla vérifier les matériaux, fit en
lui-même le compte des tubes (pourraient-ils suffire pour
quatre ou cinq jours si la tempête continuait ?), s'assura que
tous les ouvriers étaient à leur place. Il avait confiance en ses
hommes, mais il était le chef qui allait conduire ses soldats à
l’attaque ; il devait donc tout contrôler, découvrir à temps les
défauts possibles. Les ouvriers étaient à leur poste. Ils
paraissaient tranquilles, mais en les observant de plus près, on
les sentait légèrement crispés. Le temps s'était gâté pour de bon,
néanmoins dans l'équipe d'
ousta
Ramazan, personne ne
songeait qu'on pût interrompre le travail : il fallait être sur ses
gardes, un point c'est tout.
Dans ces cas-là, le vieux maître foreur avait coutume de
dire: « Et si la tempête dure non pas cinq jours, mais dix ?
Attendre qu'elle passe ? Le temps est trop précieux !»
Vassiliev exprimait cette même pensée à sa manière : « Nous
avons jeté l’ancre, nous tenons bien en place. »
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron