aperçut Vassiliev. Voici justement le camarade Vassiliev, il vous
le dira lui-même.
Qui est-ce ? demanda Vassiliev. Réponds que la question
est superflue. Personne ne songe à interrompre le travail.
Ils continueront ! cria Latifa. Vous entendez ? Non, le
travail n'est pas arrêté !
Elle raccrocha.
Avec qui parlais-tu ? demandait Vassiliev.
Avec le Bureau du forage. C'est étonnant, quand on a
besoin d'eux, ils ne sont jamais là, et maintenant les voilà qui
téléphonent ; ils veulent savoir si les travaux ne sont pas
arrêtés…»
Vassiliev s'assit en face de Latifa qui fixait sur lui son regard
immobile. D'un mouvement rapide, elle avait saisi une feuille
de papier placée devant elle et l’avait fourrée dans un gros livre.
Cette feuille était absolument blanche, Vassiliev avait eu le
temps de le voir, et il ne prêta aucune attention à la hâte de la
jeune fille. Mais le rouge qui lui montait au visage le frappa.
Plusieurs fois déjà, Latifa avait voulu se mettre à écrire, mais
les sonneries continuelles du téléphone l’en avaient empêchée.
Elle entendait mal ce qu'on lui disait à l’autre bout du fil, et elle
répondait souvent au petit bonheur. Elle savait que là-bas, en
ville, le directeur du trust et les ingénieurs étaient plus inquiets
que les ouvriers au puits. Elle se disait que les dirigeants du
trust devaient se demander s'ils travaillaient par un temps pareil.
Et sans même écouter les questions jusqu'au bout, elle répondait
invariablement : « Non, rien n'est arrêté ! On travaille. »
Plusieurs fois elle avait repris sa feuille de papier blanc, puis
l’avait recachée dans son livre. Était-ce seulement à cause du
téléphone qu'elle n'arrivait pas à écrire à Taïr ? À lui écrire ce
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron