Peut-être plus… »
Ils se turent. On n'entendit que le bruit des vagues qui
venaient se briser aux poutres et aux planches. Vassiliev dit tout
bas, se parlant à lui-même : « Ramazan Iskendérovitch n'a
toujours pas téléphoné… »
Juste en ce moment, le vieux maître foreur s'entretenait par
téléphone avec le secrétaire du Comité de la ville. Nissa était à
la maison.
«
Avec qui parles-tu ? » demanda-t-elle.
Mais le vieillard, qui tenait le récepteur à deux mains, ne
l'entendait pas.
La proposition que lui faisait Aslanov était inattendue ; elle
le rendait heureux et fier : le secrétaire du Comité de la ville
l’invitait à aller chaque jour une heure ou deux au Musée
Staline pour faire part de ses souvenirs aux visiteurs. « Tu dois
être fatigué. N'est-il pas temps que tu quittes le puits ? » lui
disait-il.
«
Appelez-moi quand vous voudrez, répondit Ramazan, je
viendrai toujours et je raconterai ce que je sais. Seulement, ne
me privez pas de mon puits. Si vous voulez que je sois heureux,
permettez-moi de faire l'un sans abandonner l’autre.
Aslanov donna son assentiment et raccrocha. Aussitôt le
téléphone se remit à sonner. Ramazan qui n'avait pas encore eu
le temps de s’asseoir, reprit le récepteur.
«
Oui, oui, c'est moi, ma fille... Je vais bien ! Dis à Vassiliev
que je pars à l’instant : j'allais justement sortir.
Où veux-tu encore aller ? demanda Nissa debout sur le
seuil. Si tu n'y vas pas un jour, tu crois que ce sera la fin du
monde ? Plus tu deviens vieux plus tu fais de bêtises. On a peur
d'approcher de la côte par un temps pareil, et toi tu es prêt à
aller en mer ! »
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CHAPITRE IX