Mais Ramazan, sans l'écouter, criait au téléphone :
«
Comment ? que je ne vienne pas ? Il en a de bonnes,
Vassiliev ! Je vais me noyer ? Quand nous transportions
l'essence à Astrakhan, les nuages étaient au ras de la mer.
Pourquoi ne me suis-je pas noyé alors ?Hein ? Je suis devenu
vieux ? Ramazan menaçait Vassiliev du doigt comme s'il eût
été là, devant lui.
Qu'est-ce que ça fait ? Tu leur as dit qu'il ne reste plus que
cinq jours ? Dis-le-leur encore ! Bon, je verrai… Oui, oui, au
revoir ! »
Nissa n'essaya plus de le retenir : elle savait combien il était
difficile de le faire revenir sur ses décisions.
2
Koudrat interrogeait à tout moment le baromètre suspendu
au mur, dont l’aiguille s'obstinait à indiquer la tempête. Le
grelottement des vitres disait un vent de plus en plus fort.
Koudrat s’énervait, mais il se contenait. Certaines mesures
s'imposaient, songeait-il, pour assurer un travail normal aux
derricks. Si la tempête retardait la mise en exploitation du puits
d'
ousta
Ramazan, tout le trust s'en ressentirait. Il se souvint de
l'ingénieur Fikret et le fit appeler.
«
Mon cher, dit Koudrat, il faut que chacun de nous s'oc-
cupe d'un des puits.
Par une pareille tempête ?
Oui, par une pareille tempête.
Pourquoi ?
Parce qu'à rester les bras croisés nous ne ferions que nous
énerver, et que l’incertitude est la pire des choses. »
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron