Ramazan songea à l'ouvrier qui avait répliqué à Taïr : non,
il n'avait pas téléphone ; le vieux maître le connaissait bien. Il
pouvait ronchonner, mais il n'irait jamais à l'encontre de son
équipe.
«
Donc, personne ne veut qu'on vienne ? Mais alors, qui
est-ce qui a téléphoné à Koudrat ?
Ils le regardaient tous, étonnés. »
Au hurlement du vent, un autre bruit s'était ajouté qui venait
de la mer. Mais nul n'y prêtait attention, car personne n'avait
pu se risquer par un temps pareil dans les parages du puits. Mais
le bruit grandissait. Taïr, qui avait les meilleurs yeux,
interrogeait la mer… Parmi les vagues énormes, il aperçut la
petite chaloupe ballotée comme un fétu de paille, qui
s'approchait du puits. Il se tourna vers Ramazan et cria:
«
Ousta
,
le
Tchapaev
! »
Tous les regards scrutaient la mer. Les voix crièrent l'une
après l'autre :
«
Le
Tchapaev
,
le
Tchapaev
! »
Il était difficile d'en croire ses yeux. Alors que les grands
bateaux étaient tous restés dans la baie, le
Tchapaev
,
luttant
contre les éléments, venait au derrick ! Chacun tremblait pour
l'embarcation si frêle.
Quand elle ne fut plus qu'à une centaine de mètres, une
vague énorme la recouvrit ; elle disparut. Mais on la vit
rebondir sur une crête blanche : elle continuait vaillamment sa
route à travers le ressac.
Ohé,
ousta
!
fit la voix du capitaine.
Ils étaient tous près du taquet. Djamil et Taïr faisaient de
grands gestes. Tout à coup, la chaloupe fut rejetée en arrière ;
mais ils avaient nettement vu le capitaine dressé de toute sa
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron