Les ouvriers, à la file, se passaient les seaux. On pouvait
déjà entrer dans la cabine. Vassiliev lança un dernier jet d'eau
sur le mur et se retournant, dit à Latifa :
«
Ma fille, tu as eu tort d'orner la cabine d'affiches et de la
tapisser de journaux. »
Il désignait les lambeaux de papier noircis qui pendaient au
mur :encore un instant, et tout était perdu.Latifa se taisait,
confuse. En effet, si la flamme s'était répandue avec une telle
rapidité, c'était non seulement à cause du vent, mais encore
parce que les murs étaient couverts de journaux et d'affiches.
«
Si on cassait la croûte ? On l'a bien gagnée, dit une voix
joyeuse. Latifa, qui n'osait encore croire que tout s'était
heureusement terminé, entra dans la cabine.
Ne crains rien, dit Taïr, c'est bien éteint. »
Et Djamil, déposant l'appareil sur la table noircie, ajouta :
«
Il n'y a plus qu'à réparer le fil, et Latifa pourra de nouveau
capter les bonnes nouvelles de Bakou.
Réparer ? répéta
ousta
Ramazan, songeur. Mais qui
est-ce qui va réparer ?
Nous allons faire venir l'électricien ! dit étourdiment
Gricha.
Comment ferons-nous, mon fils, puisqu'il est impossible
de se servir de l'appareil, que le téléphone ne marche plus
depuis ce matin, et qu'Abbaskouli est reparti ? »
Vassiliev ajouta, soucieux :
«
Le soir tombe. Sans liaison et sans lumière, comment
pourrons-nous travailler ?
Dans le lourd silence qui s'était établi, Djamil poussant Taïr
du coude, dit tout à coup :
«
Allons, l'électricien, montre ce que tu sais faire !
C'est vrai, se dit Taïr, qu'est-ce que j'attends ? À quoi me
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron