cre les autres que les paroles de Samandar ne l'avaient pas
touché, qu'il n'éprouvait rien pour Latifa. Afin qu'il ne restât
aucun doute à personne, il dit très haut :
«
Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ? Elle peut bien se
jeter à la mer, si elle en a envie. Mais tu as tort de te moquer de
moi parce que je ne suis qu'un ouvrier. Cet ouvrier-là pourrait
bien, dans cinq ou six ans, être ingénieur. La chose est possible,
tu le sais bien !Je n'ai pas encore dix-huit ans. »
Il se tut quelques minutes, puis il songea que les « mains
calleuses » et le « mazout» pourraient bien refroidir Taïr, et se
hâta d'ajouter :
«
Ce qu'il y a de bien quand on travaille aux puits, c'est qu'il
est impossible de piétiner sur place. Même si on le voulait ! On
est poussé en avant malgré soi et on est bien obligé d'étudier. »
Taïr mangeait sans hâte de la viande et du pain. Il écoutait-
Djamil qui parlait à mi-voix, mais avec une assurance passion-
née. Et il songeait: « Non, mes espoirs ne seront pas déçus: je
trouverai ici tout ce que je recherche. J'ai bien fait de venir. »
Djamil, qui semblait avoir deviné sa pensée, poursuivit :
«
Vous connaissez encore mal notre maître foreur. Il ne
pense qu'à ses apprentis et leur fait part de tout ce qu'il sait.
«
Décidément, se dit Taïr, je ne regrette pas d'être venu ici. »
Et, se levant, il dit à Djamil :
«
Eh bien, allons. Mais y aura-t-il quelqu'un au trust ?
Oui, oui, dit Djamil, ponctuant ses mots d'un signe de tête.
En tout cas on est sûr de trouver le directeur. »
Au même instant, on frappa à la porte.
«
Entrez ! »
Un jeune homme et une jeune fille apparurent sur le seuil et
saluèrent tout le monde.
22
MEKHTI HOUSSEIN
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Apchéron