«
Mes cinq frères étaient au front, et moi je travaillais jour
et nuit au forage.Je travaillais tant que je pouvais, et tout le
monde en faisait autant. C'est comme ça que nous avons gagné
la guerre ! Et lui, il fait des courbettes aux Anglais. Tu ne vas
tout de même pas me dire qu'il avait raison? Alors moi, j'ai
protesté. Et tu sais ce qu'il a répondu ? ‘’On ne peut pas nier le
rôle des alliés ! ‘’ Mais il faudrait d'abord qu'il ait existé, ce
rôle, pour pouvoir le nier ! »
Le gars s'échauffait ; Dadachly l’apaisa :
«
Bon, je comprends. Mekhman a eu tort en effet; je le
verrai et je lui en parlerai. Mais ce n'est pas pour cela que nous
sommes venus. Nous allons vérifier les résultats de l’émula-
tion: réunion au club ce soir à huit heures. Eh bien, Djamil, quoi
de nouveau à la campagne ?
Ça va. Là-bas aussi, on travaille ferme. Notre kolkhoz a
appelé le kolkhoz voisin, le kolkhoz
Marx
,
en émulation…
Camarade Dadachly, j'ai ramené Taïr. »
Les yeux de Dadachly fixèrent le jeune homme.
«
Il veut travailler ici ?L'idée n'est pas mauvaise. »
Taïr n'aimait pas le regard pénétrant qui était posé sur lui.
«
Maintenant que la guerre est finie, nous avons grand
besoin de monde. Tu es
Komsomol
,
camarade ? »
Dadachly avait entrepris d’ouvrir son carton.
«
Oui ! »
La jeune fille rejeta la tête en arrière l’espace d'une seconde,
puis la baissa de nouveau. Taïr avait remarqué ce mouvement
rapide. Ses yeux rayonnants, qui brillaient à travers de longs
cils, lui plaisaient. S'il avait composé des vers à la manière des
anciens achougs, il aurait comparé ces yeux bruns et profonds
à deux coupes, et ces tresses à des lassos.
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron