accosté, les ouvriers de l'équipe de nuit sautèrent l'un après
l’autre sur le pont. Le capitaine dans son maillot de marin tout
neuf les pressait, agitant son bras bien musclé, bruni par le hâle,
et criait dans le vent, de sa basse voix enrouée :
«
Pressez, pressez ! Je suis déjà assez en faute vis-à-vis
d'
ousta
Ramazan ! »
Djamil expliqua à Taïr :
«
Il a dû s’arrêter en route pour boire un coup. Cela fait
seulement un quart d'heure que nous devrions être partis. Nous
arriverons en retard et
ousta
Ramazan ne le lui pardonnera pas.
Quand le dernier ouvrier eut sauté dans la chaloupe, le
moteur se mit à ronfler. Le
Tchapaev
se détachadu quai sans le
moindre bruit et vira de bord pour gagner la haute mer.
Une minute ne s'était pas écoulée que Taïr apercevait déjà au
loin la rive et la baie bordée de collines toutes hérissées de
derricks ; ils faisaient songer à de grands arbres dépouillés
parl'hiver.
Tandis que Taïr scrutait la rive, Djamil lui fournissait des
renseignements :
«
Là où il y a ces chantiers, avant c'était la mer. Les hommes
lui ont arraché ce bout de terre. Les premiers forages ont été
effectués ici conformément aux instructions du camarade
Kirov. Regarde bien et tu verras que les derricks sont disposés
en quinconces. Avant la Révolution, on n'y prenait pas garde, on
forait n'importe où.
Pourquoi ? », demandaTaïr, qui se disait que son ami,
étant là depuis un an, devait savoir bien des choses.
Djamil reprit du ton posé de l’homme riche d'expérience :
Auparavant, les puits appartenaient à des patrons. Ils ne
songeaient qu'à eux-mêmeset se moquaient bien de ce qui se
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron