Le maître foreur est là ?
Sans doute ! Il ne se repose presque jamais. S'il y avait un
incident, tout le travail seraitperdu.
Unincident ?
Eh oui…Sait-on ce qui se passe sous terre à chaque instant
?
Parfois le trépan tourne, tourne et tout à coup tu t'aperçois qu'il
ne s'enfonce plus d'unpouce.
Et pourquoi ?
Parce qu'il a rencontré un sol pierreux, que la force lui
manque, ou bien qu'il s'est abimé.Alors,il faut le remonter ! »
Il y eut un choc et Taïr leva rapidement les yeux : le
Tchapaev
était arrivé ! Un noiraud qui se tenait à côté du capitaine saisit
l'extrémité d'un câble et le lança sur le taquet avec beaucoup
d’élan. Tel un cheval dressé, la chaloupe obéit, docile : elle
heurta encore une fois l’appontement et rebondit, rejetée par la
vague, avant de se coller enfin àla carcasse du derrick.
Les ouvriers débarquèrent.Les machines tournaient à toute
vitesse. Quand Taïr mit le pied sur la planche trépidante, il lui
sembla que les éléments déchaînés et la force indomptée des
moteurs allaient emporter le derrick, et il se cramponna à
Djamil. Celui-ciéclatade rire.
«
Qu'est-ce qui t'arrive, mon vieux ? Est-ce que tu aurais peur
?
Allons! Ça a beau trembler sous nos pieds, c'est solide.
Attends, tu en verras biend'autres. Quand la tempête secoue
notre derrick… »
Taïr jeta un coup d'œil sur la carcasse de fer qui plongeait
dans le ciel. Un ouvrier se tenait à son sommet. Taïr songea que
la vie de cet homme ne tenait qu'à un fil : un coup de vent, un
faux pas, et il serait précipité dans l'abîme. Et qui sait si on
pourrait le sauver?
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CHAPITRE II