À cette idée, il sentit un frisson glacé lui courir dans le dos:
il baissa les yeux comme pour échapper à tout ce qu'il avait vu.
Puis, involontairement, il regarda les machines et les instru-
ments à l’entrée du puits. Tout d'abord son attention fut attirée
par le drilomètre, instrument qui sert, ainsi qu'il l'apprit par la
suite, à mesurer la pression exercée sur le trépan ; il vit les
frémissements de la longue aiguille noire. Vassiliev, l’adjoint
d'
ousta
Ramazan, était assis, la tête dans sa main. Et Taïr
songea: « En voilà un qui connaît sûrement les machines mieux
que tous les autres. »
Djamil prit son ami par le bras et le conduisit à
ousta
Ramazan, qui se tenait près de la table de rotation et observait
avec attention le mouvement du carré.
«
Ousta
,
voilà Taïr, dont je vous ai parlé »,dit-il.
Taïr leva les yeux sur le vieux maître. Les cheveux gris
d'
ousta
Ramazan d’une vieille casquette pourvue d’une longue
visière fripée. Fronçant les sourcils, il essuya sur sa combinai-
son de grosse toile sa large paume calleuse toute tachée d'argile,
et la tendit à Taïr. On eût dit que le vieillard, perdu dans ses
pensées, fixait le jeune homme d'un regard absent ; il se taisait.
Enfin, comme s’il s’était tout à coup rendu compte que Taïr
attendait sa réponse, il prononçad'unevoixlenteetbasse :
«
Trèsbien ! »
L'arrivée du jeune homme semblait laisser le maître foreur
dans la plus complète indifférence. Mais cette impression dura
peu. Après avoir donné quelques indications aux ouvriers qui
préparaient la boue, il s'approcha de Taïr et lui parla.
Il avait l'air de sonder son nouvel apprenti ; il observait avec
attention chacun de ses gestes ; il écoutait chacune de ses
42
MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron