campagne ? » demanda
ousta
Ramazan à Djamil. Et il parlait
très fort, car il voulait faire honte à Taïr de son indécision.
Djamil, qui observait son camarade avec plus d'attention
que tous les autres, répondit d'un ton détaché :
«
Bien sûr que si,comme tous les gamins … »
Arrivé à mi-hauteur, Taïr s'arrêta. En bas, les fanaux allumés
se multipliaient dans les vagues ; involontairement il ferma les
yeux. Quelque chose se brisa en lui. Il eut une impression
analogue à celle qu'on éprouve quand on voyage pour la
première fois en avion au moment où l'appareil se détache du
soi. Son cœur se mit à battre à grands coups redoublés, et
l'espace d'un instant il songea : « Qu'est-ce qui m'a donc poussé
à venir ici ?» Mais son amour-propre blessé l'aiguillonna et il
se remit à monter. Parvenu à la plate-forme où il avait vu
Guéïdar, Taïr comprit pourquoi le maître foreur lui avait
imposé cette épreuve : quand on n'avait pas l'habitude, c'était
vraiment effrayant.
Il entendit
ousta
Ramazan qui lui criait d'en bas :
«
Eh bien, tu n'as pas peur,mon fils ? »
Et il répondit aussi haut qu'il pût, tout en réprimant un accès
de frayeur qui le glaçait:
«
Non,
ousta
,
ce n'est pas si terrible ! »
Au même instant, il vit tout à côté de lui un autre ouvrier
qu'il n'avait pas remarqué ; celui-ci lui montra comment il
fallait saisir les tubes pour les faire descendre dans lepuits.
«
Et maintenant, dit-il, à ton tour ! »
Quand Taïr toucha pour la première fois le tubage, il sentit
dans sa main la viscosité de la boue. Il se hâta de visser le tube,
qu'on fit aussitôt descendre. Arrivé au fond, il heurta le tube
précédent et le derrick tressaillit.
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CHAPITRE II