Taïr fut troublé un instant ; mais s'étant convaincu qu'il était
bien d'aplomb sur la plate-forme, il se tranquillisa. Il n'y a pas
à avoir peur ! se dit-il en lui-même, et il résolut de ne plus
regarder en bas.
Il travailla ainsi près d'une heure, puis il entendit la voix du
maître quidisait :
«
Maintenant,mon fils,descends ! »
Il gagna l'escalier avec précaution, comme s'il craignait
d'écraser quelque chose de fragile, et se mit à descendre, tâtant
du pied chaque degré.
Quand il fut enfin en bas, il vit à la lumière crue d'une
ampoule que ses vêtements étaient tachés de boue. Fixant sur
lui son regard maussade,
Ousta
Ramazan, lui dit pour l'en-
courager:
«
Tu t'es bien tiré du plus difficile. Nous recommencerons
quand il y aura une tempête. Et si tu tiens le coup, nous serons
amis. »
Bien que cette fois encore il fut satisfait de Taïr, il ne se
déridait pas.
«
On commence ! » cria-t-il aux ouvriers rassemblés. Il
s'écartaet s'assit sur une planche qui traînait là, tout près.
La table tournait de plus en plus vite.
Taïr, qui observait les mouvements tranquilles et mesurés
du maître, se demandait ce qu'il pouvait bien penser de lui, mais
il se perdait en conjectures.
Une jeune fille s'approcha d'
ousta
Ramazan pour lui parler.
Quand elle revint sur ses pas, il la vit à la lueur oscillante des
ampoules. Une longue et grosse tresse pendait sur sa poitrine,
elle portait une jupe bleu foncé, une blouse de satinette avec
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron