l’avait rencontré? Bouche bée, il enveloppait le vieux maître
d'un regard plein d'interrogation, incrédule.
Ousta
Ramazan, dont les yeux perçants brillaient sous
d'épais sourcils, comprit sans doute ce qui se passait en Taïr,
car il demanda :
«
Tu ne me crois pas, mon fils ? »
Lejeune homme rougit et répondit très vite:
«
Oh si, je vous crois ! Mais dites-moi, étiez-vousde grands
amis ? »
Serguéi Mironovitch était un homme très simple, et nous
devinrent amisdès notre première rencontre. Le vieillard poussa
un profond soupir. D’infâmes traîtres nous l'ont ravi, lui qui
aurait dû vivre et vivre. Même plus tard, quand il était à
Leningrad, il ne m'a pas oublié. Il m'a envoyé plusieurs lettres
et il demandait toujours de mes nouvelles à ceux qui venaient
d'ici.
Une lueur de tristesse brilla dans les yeux d'
ousta
Ramazan,
et il hocha doucement la tête.
«
Quand j'ai appris sa mort, j'ai vieilli d'au moins dix ans.
Oui, il a beaucoup fait pour l'Azerbaïdjan et la balle du traître
qui l'a frappé est aussi entrée dans mon cœur ! »
Il brandit son poing fermé et serra les dents.
«
Viens, mon fils, viens. Chaque jour, en passant devant ce
derrick, je songe à lui. Quand nous avons foré ces puits que tu
vois, il était jour et nuit avec nous »
Taïr, qui n'avait vu sur le derrick qu'un vieux maître
maussade, s'étonna de l'entendre parler avec tant de cordialité
et de chaleur,et il songea qu'un homme qui avait été l'ami de
Kirov ne pouvait pas être méchant.
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CHAPITRE II