tubes inutilisables et regardaient la ville, dont les lumières
semblaient encore plus nombreuses que d'habitude. Bakou était
comme ceinte d'un arc-en-ciel étincelant et on eût dit que les
étoiles électriques, ne trouvant plus de place sur la rive,
tombaient dans les profondeurs sombres delamer.
Djamil, montrant le fer à cheval scintillant que formait la
baie de Bakou, disait, ravi :
«
Regarde, regarde, ce sont ces étoiles dont je te parlais dans
le train. »
Taïr se taisait. Depuis que Latifa était partie, il se sentait tout
triste et ne songeait qu'à elle. Djamil l'avait raillé. Il voyait
encore le regard sévère du vieux maître. Il en souffrait, mais il
ne voulait pas l'avouer à Djamil. Il fixait Bakou et ses mille
feux. Il lui semblait que c'étaient ses yeux à elle qui le
regardaient de là-bas, qu'elle se joignait à Djamil pour se
moquer de lui. Djamil avait donc eu raison ?
«
Hein, que c'est beau ? » demandaDjamil,le touchant à
l'épaule.
S'arrachant à ses pensées, Taïr fit oui de la tête et garda le
silence.
«
Qu'est-ce qui ne va pas ? On t'a fait de la peine ? demanda
Djamil, étonné.
Maisnon,maisnon !
Alors,pourquoi cet air triste ?
Je m'ennuie, répondit Taïr, réprimant ses griefs. Mon cœur
se serre quand jesonge à mon village.
Mais Djamil sentait bien qu'il y avait autre chose. Et il se fit
encore plus affectueux :
«
Qu'as-tulaissélà-bas que tu regrettes ?
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron