J'ai tout laissé, fit brutalement Taïr. Que me manquait-il ?
J'avais un cheval !Lorsque je l'enfourchais, des ailes poussaient
à mon cœur. Quand, lancé au galop, je dépassais les jeunes
filles qui venaient remplir leurs cruches à la source, elles me
suivaient du regard, un regard caressant et émerveillé.
Aha ! Mais ce cheval, il n'était pas à toi. Et quant aux
regards des jeunes filles… »
Derrière eux des pas s'approchaient. C'était Vassiliev,
l'adjoint d'
ousta
Ramazan. Il avait à la main le
saz
de Taïr.
«
On s'ennuie à ne rien faire ! Que Taïr chante, nous
l'écouterons » dit-il en azerbaïdjanaisavec un accent russe à
peine perceptible.
Djamil prit le
saz
des mains de Vassiliev et le tendit à Taïr :
«
Oui, c'est ça, chante! »
D'un air sombre, Taïr prit le
saz
et dénoua les cordons de
l’étui.
«
Que dois-je chanter,
ousta
?
Mais ce que tu veux ! »
Et Vassiliev s'assit à côté d'eux, tandis que Taïr accordait son
instrument. Plaquant le
saz
contre sa poitrine, Taïr revit son pays
natal, ses montagnes, ses collines et les jeunes filles qui allaient
puiser l'eau à la source. Il fit sonner les cordes et se mit à
chanter :
O ma bien-aimée, je suis loin de toi,
Je ne puis supporter ton absence !
Tu es mon rêve, ma pensée la plus chère,
Je n'ai plusde mots pour dire ma souffrance.
Tu es de mon ciel la lune et le soleil.
Mavie,marichesse,monbonheur,monprintemps,
Monseul rêve, c'est toi !
Tes paroles inspirent mes chansons.
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CHAPITRE II