Koudrat le retint par le bras :
«
Maintenant que tout cela est arrangé, dis-moi ce que tu
penses de Taïr Baïramly ? Il parait qu'il joue bien du
saz
et qu'il
chante. »
Cela plaisait au maître foreur que le directeur s'intéressât si
souvent aux apprentis. Involontairement, il songea : « Puisqu'il
s'occupe des jeunes, tout ira bien. » Et il se mit à vanter les
mérites de Taïr :
«
C'est un garçon capable. Et dégourdi, comme tous nos gars
de la campagne. Il chante. Sa voix est belle et si forte qu'on
l'entend à plusieurs kilomètres.
Mais le travail ? Est-ce que ça marche ? Ne nous somm
es-nous pas trompés sur son compte ?
Pour le travail… jusqu'ici j'en suis très satisfait. »
Depuis longtemps Ramazan avait pris l'habitude de
s'occuper de ses apprentis comme un père s'occupe de ses
enfants. Il brûlait du désir d'en faire de jeunes ouvriers qualifiés.
Il était convaincu que la réalisation du plan dépendait pour une
bonne part des efforts de chaque vieux travailleur du pétrole
pour éduquer la jeunesse. Certains maîtres renommés
négligeaient cette obligation sacrée, préféraient se soustraire à
ce qu'ils considéraient comme une charge superflue. « Ils ne
font que s'aimer eux-mêmes, disait
ousta
Ramazan. Et
pourtant, qu'il est agréable d'entendre dire d'un jeune maître
foreur: « C'est l'élève d'untel !»
«
Je suis très content de Taïr, répéta-t-il. Quand on lui
explique une chose, on peut être sûr qu'il la retiendra. Il se tut
un instant et ajouta, pensif :
Quand je le vois, je me rappelle ma jeunesse. J'étais
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron