exactement comme lui… Un peu têtu. Je ne pardonnais jamais
une offense.
Et Ramazan raconta en quelles circonstances il était venu à
Bakou. Son père était un paysan pauvre.La terre qu'il cultivait
appartenait au bek et il n'avait droit qu'à un sixième de la
récolte. Ramazan entrait alors dans sa dix-huitième année. Un
jour le fils du bek, un jeune homme à grandes m
ousta
ches–
Ramazan le voyait encore–était arrivé, monté sur son cheval; il
avait crié qu'on leur volait du grain et proféré les pires injures.
Incapable de se contenir, Ramazan avait répondu sur le même
ton, et le fils du bekétait parti plein de rancœur en éperonnant
son cheval.
Le père de Ramazan aurait voulu qu'il allâtdemander
pardon au
bek
,
mais lui n'avait rien voulu entendre : « Plutôt
crever la faim que m'humilier ainsi ! » L'année suivante, le
bekaccusa le paysan de la plus noire ingratitude et refusa de lui
louer sa terre. Mais même alors Ramazan ne plia pas. Il alla à
Bakou travailler aux puits de pétrole.
Koudrat se souvint de la femme d'
ousta
Ramazan : une
vieille amitié liait les deux familles.
«
Dis bien le bonjour de ma part à Nissa, dit-il ; j'irai un de
ces jours goûter de son
diuchberé
1
.
Nous serons heureux de te voir, répondit
ousta
Ramazan.
Il prit congé de Koudrat et du journaliste, qui se leva à son
tour.
«
Quel vieillard, fit-il. On a plaisir à l'entendre.Demain.
J'irai le voir sur son derrick. »
Resté seul, Ismaïlzadé téléphona chez lui. Personne ne vint
à l'appareil. S'abandonnant à ses pensées, il se mit à arpenter la
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CHAPITRE II
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N.d.t : EnAzerbaïdjan, soupe où nagent des boulettes de pâte farcies de viande hachée.