d'
ousta
Ramazan, les remontrances du secrétaire de l'organisa-
tion du
Komsomol
lui avaient ôté toute envie de rester à Bakou.
La chaloupe était déjà loin. Le visage de Taïr s'assombrissait
de plus en plus. Voulant le distraire de ses tristes pensées,
Djamil lui demanda :
«
Ne veux-tu pas nous chanter, ne fût-ce qu'un petit couplet?»
Taïr regarda Djamil d'un air sombre, et pour bien montrer
que ces paroles étaient déplacées, il répondit bien haut :
«
À une beure aussi matinale, même l'Artiste du peuple
Bul-Bula
encore la voix enrouée… Et puis, tout le monde
s'étonnerait de cette gaieté intempestive. »
Djamil n'insista pas.
En entrant, Taïr trouva une lettre qui l'attendait sur son lit. Il
déchira l'enveloppe et lut :
«
Mon fils bien-aimé, depuis que tu es parti, je n'ai plus de
repos. Chaque nuit, je te vois dans mes songes. Je te vois,
nageant en mer. Prends garde qu'il ne t'arrive aucun mal ! Que
ma langue se dessèche, mon fils, pour t'avoir dit cela ! Ah,
pourquoi t'ai-je laissé partir ? Quand je trais notre Roussotte, je
t'ai toujours devant les yeux…
Prends ton cor
A la voix sonore,
Joue doucement, doucement,
Mon cher enfant.
Lumière de mes yeux, je voudrais sortir sur la route et
interroger les passants à ton sujet. Pourquoi as-tu oublié ta
mère? Tu es mon seul appui. Envoie-moi au moins quelques
mots. Tu sais bien qu'à part toi, je n'ai personne au monde. Ici,
au kolkhoz, chacun se porte bien. Tes cousins sont revenus.
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron