Tout le monde demande de tes nouvelles. J'ai donné ton
adresse pour qu'on t'écrive. Tous nos parents te saluent. Je
t'embrasse bien fort. Ta mère qui t'aime, Gulsenem.»
Taïr sentit qu'il s'ennuyait encore plus de sa mère. Il avait
tout oublié : Bakou, ses espérances, Latifa. Il relut la lettre avant
de se mettre au lit.
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Taïr était couché depuis longtemps, mais il n'arrivait pas à
s'endormir. Les mains croisées sous sa tête, il fixait le plafond.
Dans la pièce, tout était silencieux. Il entendait les piailleries
des moineaux s'affairant dans le lierre, sur le mur, près de la
croisée, et il lui semblait que c'était à cause d'eux qu'il ne
pouvait dormir.
Il y avait longtemps que Djamil avait sombré dans le
sommeil, c'est du moins l'impression qu'on avait en le
regardant.
Leur entretienau puits avait profondément blessé Taïr.
«
C'est un perfide, songeait-il. Si une jeune fille m'aime et me
donne son cœur, ne devrait-il pas se réjouir, s'il était vraiment
mon ami? Si Latifa aimait Djamil, je ne leur mettrais pas de
bâtons dans les roues, je ne serais pas comme une épine entre
deux roses… Latifa n'a pas de fiancé, c'est clair. Si elle en avait
un, Djamil me l'aurait dit depuis longtemps. Non, elle n'a pas
de fiancé, mais Djamil doit avoir des vues sur elle… Tant pis
pour moi ! »
Il avait prononcé ces derniers mots tout bas et maintenant il
se levait sans bruit.
Il regarda autour de lui : tout le monde dormait et il se mit à
s'habiller. Il plia soigneusement sacombinaison de travail et la
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CHAPITRE III