suspendit au chevet de son lit. Sur la pointe des pieds, il
s'approcha de la table de nuit et en tira sa besace. Il prit sous son
oreiller son écharpe de laine, rassembla ses livres dispersés sur
l'appui de la fenêtre et fourra le tout dans sa besace. Il jeta un
coup d'œil tout autour : n'avait-il rien oublié ? Il aperçut ses
bottes. Il aurait voulu les envelopper dans un journal, mais il
songea que le bruit du papier pouvait réveiller Djamil, et il les
glissa dans sa besace telles quelles. Il examina attentivement
le visage de son camarade. Il vit ses lèvres qui frémissaient
légèrement, comme s'il dissimulait un sourire: peut-être ne
dormait-il pas? Il attendit, retenant son souffle, puis il toussota
à plusieurs reprises. Djamil n'ouvrit pas les yeux. C’était donc
qu'il souriait dans son sommeil. Les moineaux, en prenant leur
essor, le firent tressaillir :
«
Allez au diable !» murmura-t-il.
Son instrument sous le bras, sa besace à l’épaule, il gagna
sans bruit la porte, se retourna une dernière fois, et sortit.
Djamil rejeta sa couverture, sauta à terre, s'habilla à la hâte
et courut chez
ousta
Ramazan.
Le vieillard était dans son jardin, devant sa maisonnette, Au
milieu du jardin se dressait un pistachier solitaire. Plusieurs
rangées de tomates, d'oignons et de petits pois suivaient la
clôture.
Ousta
Ramazan avait déposé son arrosoiret, penché sur
le gazon, il arrachait des fleurs là où elles avaient poussé trop
dru et en faisait un petit bouquet. S'étant redressé, il aperçut
Djamil à la clôture et demanda, inquiet :
«
Qu'est-il arrivé Djamil?
Taïr est parti,
ousta
,
répondit Djamil essoufflé.
Où ça ?
Sans doute veut-il rentrer chez lui, à la campagne.
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron