;
il savait que leurs deux fils étaient partis au front dès les
premiers jours de la guerre. C'est pourquoi il dit :
«
Ce sont peut-être tes fils qui reviennent ? »
Ousta
Ramazan tressaillit comme si on avait touché à une
vieille blessure encore mal fermée et regarda le chauffeur du
coin de l'œil, mais il ne lut sur son visage qu'une curiosité
bienveillante.
«
Ce serait un si grand bonheur ! dit-il tout contracté.
Ne vous désolez pas,
ousta
.
Je n'espérais plus revoir mon
frère ; eh bien. hier j'ai reçu une lettre, il est sain et sauf ! Il était
avec les partisans ; pendant deux années il s'est battu à l'arrière
des Allemands.
Si seulement mes fils être vivants !
Puisqu'on ne vous a pas annoncé officiellement leur mort,
ils reviendront. Mon frère m'écrit qu'il y en a beaucoup qu'on
croyait tués et qui sont bel et bien rentrés chez eux.
Que ce serait bon ! murmura
ousta
Ramazan.
Et il ajouta, en se parlant à lui-même : « S'ils sont en vie,
d'après mes calculs ils doivent bientôt revenir »
«
Que dites-vous,
ousta
?
demanda le chauffeur.
Le vieillard soupira,les yeux embrumés, le regard perdu au
loin.
«
Je dis : ainsi soit-il ! Je ne désespère pas encore de revoir
mes fils. Je veux croire qu'ils reviendront sains et saufs. Ces
dernières années, j'ai beaucoup travaillé aux sondes. J'y passais
mes jours et mes nuits. Je suis déjà bien vieux, je suis
pensionné, et pourtant je fais tout mon possible pour ne pas me
laisser dépasser par les jeunes. Nous pouvons bien dire merci
à nos soldats ; ils n'ont pas déçu nos attentes et je n'ai pas à
regretter d'avoir autant travaillé. Si mes enfants pouvaient
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MEKHTI HOUSSEIN
.
Apchéron