«
Je ne peux pas sentir les gens qui se vantent, disait
Ramazan, mais sache bien que tout le monde n'a pas la chance
d'être l'apprenti d'
ousta
Ramazan. Tout mon espoir, c'est vous,
c'est la jeunesse ; nous ne sommes pas éternels. »
Nissa le considéra avec intensité et soupira. Il avait bien
vieilli…
Le maître foreur se rassit lourdement.
«
Tu vois ma maisonnette, dit-il en s'adressant de nouveau à
Taïr. Tu diras peut-être que je ne voudrais pas m'en séparer, moi
qui t'arrache à la chaleur de ton nid. Chacun aime la maison où
il est né, je le comprends très bien. Mais, mon fils, si je suis
attaché à cette chambre, ce n'est pas avant tout parce qu'elle
m'appartient et qu'elle m'est familière. J’en aime chaque
parcelle, et tous doivent l'aimer, parce qu'elle a vu dans ses
murs le camarade Staline. Nissa peut en témoigner. »
Chaque fois que Ramazan évoquait ces souvenirs qu'il
gardait en son cœur, Nissa se sentait à la fois émue et fière.
Maintenant encore, la joie la saisit.
«
C'est vrai, mon ami, c'est vrai, dit-elle. Puissent ses jours
se prolonger sur la terre ! Ils s'asseyaient là pour parler, et moi,
pendant ce temps, je lessivais dans la cour, l'œil aux aguets. Il
paraît qu'ils faisaient des plans pour renverser le tsar Nicolas et
les capitalistes. »
Taïr l'écoutait tout remué.
Ousta
Ramazan reprit, avec une certaine solennité :
«
Aime Bakou, mon fils. Ne déshonore jamais son grand
nom ! Souviens-toi que notre ville donne à tout le pays la
lumière et la chaleur. »
Croyant l'entretien terminé, Nissa sortit dans le couloir.
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MEKHTI HOUSSEIN
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Apchéron