que sa mère avait été malade et qu'elle était morte depuis
quelques jours. Les voisins l'avaient enterrée. Seïran qui
l'aimait beaucoup pleura comme un enfant, et il alla sur sa
tombe. Mais il n'y avait rien à faire, on ne peut pas ressusciter
les morts. A cause de ce deuil, il ne célébra pas ses noces ; il prit
sa fiancée, qui s'appelait Djavaïr, et l'emmena à Bakou. Au bout
de quelques mois, Seïran et ses camarades organisèrent une
grève et abandonnèrent le travail. Le jeune homme envoyé par
Lénine était à leur tête. Ils descendirent dans la rue avec des
drapeaux rouges en criant : “A bas le tsar et les bourgeois !”
Les cosaques arrivèrent et ouvrirent le feu. Voilà comme on
traitait alors les ouvriers: la tombe pour les morts et la prison
pour les vivants. Seïran fut jeté en prison. Chaque jour on
l'appelait pour lui demander où sa cachait le jeune homme.
Mais il se taisait. Il se taisait malgré les coups, malgré les
tortures. Finalement on le chargea de fers, ainsi que beaucoup
de ses amis, et ils furent envoyés en Sibérie.
Chirmaï interrompit de nouveau sa grand'mère :
«
Etce jeune homme?
On l'avait suivi, on l'arrêta. Mais il réussit bientôt à
s'évader de prison. »
Quelqu'un sonnait. L'enfant courut ouvrir.
C'était Lalé. Chirmaï lui entoura les genoux de ses petits
bras.
«
Grand'mère est en train de me raconter une histoire si
intéressante.Pourquoi viens-tu si tard ? »
Lalé enleva le fichu qu'elle avait sur la tête. Ses vêtements
étaient fripés. La boue avait parsemé de taches claires sa jupe
et ses souliers. Ses yeux marron étaient fatigués.
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CHAPITRE III