avoir servi la mère et l'enfant. Encore une fois Koudrat n'est
pas à la maison. Ça fait combien de jours qu'on le voit à peine
quelques instants.Tu n'es pas allée là-bas aujourd'hui ?
J'en viens tout droit. Lalé approcha son assiette. C'est un
moment difficile à passer : son trust est très en retard. Il faudra
qu'il en mette un coup pendant six mois au moins, s'il veut nous
rattraper. Son prédécesseur a tout laissé aller n'importe com-
ment, et maintenant c'est lui qui doit tout remettre sur pied. »
Toukezban tâchait de lire sur le visage de sa belle-fille si le
souper était à son goût. Comme Lalé ne disait rien, la vieille
reprit avec un hochement de tête désapprobateur:
«
C'est toujours ainsi, ma fille. Ceux qui savent travailler
sont là pour redresser les fautes des autres ! On ne voit presque
plus Koudrat à la maison, et quand il vient, ses pensées le
tiennent éveillé toute la nuit. »
Toukezban versa le thé ;il y eut un nouveau coup de
sonnette.
«
C'est papa ! »,cria Chirmaï, etelle courutouvrir.
En voyant qu'elle ne s'était pas trompée, la fillette sauta de
joie et frappa des mains.
Koudrat caressa l'enfant, entra à pas lents et lourds, et
s'assit à table.
«
Quoi de neuf ? demanda-t-il avec un sourire, cherchant en
vain à dissimuler sa fatigue.
C'est toujours la même nouvelle, dit Toukezban. La guerre
a beau être terminée, tu n'es jamais avec nous. »
Elle se leva pour donner à souper à son fils.Comme
d'ordinaire, quand Koudrat et Lalé étaient ensemble à la mai-
son, elle s'efforçait de parler le moins possible, de ne dire que
le nécessaire.
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CHAPITRE III